L'argent dépensé dans la journée était proportionnellement inégal à l'échec prévisible de cette soirée. Est-ce que ça s'était bien passé ? Pas vraiment. Est-ce que ça...S'était passé, juste ? Non, du coup. Heureusement, je n'avais pas eu à traverser la ville, car les plans avaient changé avant l'heure fatidique. Mais les questions fusaient, se mêlaient tant à la confusion qu'à l'info malaisante de me dire que j'étais allée jusqu'à m'acheter une foutue robe que je ne prévoyais même pas de porter après ce date. De l'argent et du temps dépensé pour pas grand chose, même si j'avais adoré passer une partie de l'après midi avec bougon-man.

Heureusement pour moi, je savais que dans tous les cas je pourrais compter sur au moins deux personnes dans ces moments là. J'étais loin d'avoir envie de rester chez moi, pas après m'être préparée psychologiquement et des jours durant au fait que j'allais passer la soirée dehors. Si au final ça se terminait sur une improvisation totale, Alek s'était gentiment libéré pour m'emmener découvrir un bar dans lequel je n'avais encore jamais mit les pieds. Après tout, j'avais prévu de boire un peu ce soir, donc au final ça revenait un peu au même, même si je savais pertinemment qu'Alek allait soit se payer ma tête, soit me tirer les oreilles, au feeling.

La question, maintenant, c'était : est-ce que je la mets, cette robe ? Est-ce qu'il va mal le prendre ? Ou au contraire, est-ce qu'il comprendra qu'il faut au moins que je rentabilise les 100$ déboursés ? 100$, vraiment. L'angoisse. Et encore, c'était sans compter les escarpins et le sac à main. Bon, après tout, je mets ce que j'ai envie de mettre, et j'ai fini par m'y habituer à cette robe, alors zou! Je filais prendre une douche bouillante, je me recoiffais un peu, me maquillais d'un trait d'eye-liner avant d'aller m'habiller, non sans en chier rudement avec la fermeture éclair au dos. Fin prête, j'enfile une veste pour éviter de choper la mort dehors et je file, le petit sac parme accroché par la bandoulière à mon épaule.

Le premier taxi attrapé m'emmenait directement devant le bar. D'ailleurs, la course était super cher, et c'était non sans avoir tenté de négocier à cause des feux rouges qui avaient décidé tout au long du trajet de me péter le crane. Le chauffeur était un dur à cuire, alors c'était plein pot pour moi, et avec le sourire. J'étais finalement descendue de la voiture et je m'étais faufilée dans le bâtiment, rejoignant enfin le bar où Alek était déjà assis. Il y avait un peu de monde, le lieu avait l'air plus grand que les Maraudeurs, en tout cas à vue d'œil, mais l'ambiance me plaisait bien il fallait dire. Je m'avançais alors vers le brun, serpentant entre quelques jeunes gens jusqu'à le rejoindre, presque essoufflée d'avoir dû esquiver des verres pleins dans des mains presque oubliées par leurs détenteurs.

« J'ai payé une course alors qu'au final on aurait juste pu continuer la journée et la terminer ici ! » je lui disais, tirant un tabouret vers moi avant de m'asseoir à côté de lui, déposant le sac à main sur le bar. Mon regard le jaugeait un instant, alors que je penchais le haut de mon corps en arrière pour regarder son pantalon et ses chaussures. « Mais tu t'es fait beau ce soir, dis moi. Tu comptes ramener une douce colombe chez toi ? » j'ajoutais, posant mon avant bras sur le bord du bar pour m'appuyer légèrement dessus. « J'ai pas envie de tenir la chandelle, alors si tu trouves ton bonheur, fais moi signe histoire que je file, parce que j'ai pas la foi de rester ici toute seule ! »

Après avoir vagabondé toute l'après midi dans la ville pour le bon plaisir de la jolie blonde qui avait décrété qu'ils étaient amis, Nikolaï n'avait absolument pas prévu de ressortir. Il n'avait pas prévu de faire grand chose tout court. A la rigueur peut être s'avancer sur son travail, l'organisation de la cité scolaire, répondre à des demandes en attente, faire en sorte que tout continue de se dérouler correctement même s'il devait prendre sur son temps personnel pour ça. Il ne le faisait pas tout le temps, mais c'était un acharné du travail qui ne voyait sa vie qu'à travers son prisme.  Du moins c'était ainsi qu'il voyait les choses maintenant. La vie lui avait fait comprendre que les relations sociales, l'amour et toutes ces conneries n'étaient ni des données fiables, ni des concepts pour lui. Il y avait cru, et il s'était brûlé les ailes. Aussi, même s'il lui arrivait de sortir, il se contentait du strict minimum pour répondre à un besoin humain auquel il n'était pas indifférent.

Pourtant, même s'il n'avait prévu de rien faire, il n'avait suffit que d'un message pour lui faire changer d'avis. Lui qui n'avait pas manqué de râler à propos du fait que le date de Syndra avait intérêt d'apprécier chacun des efforts déployés par la barmaid… bougre d'ingrat qui ne l'a méritait pas. Force était de constater qu'après un lapin pareil, il ne rentrait pas dans les bonnes grâce du meilleur ami auto-proclamé qu'il était. En termes de manque d'éducation, a moins d'avoir une excellente excuse, c'était un scandale aux yeux du britannique. Même s'il lui était déjà arrivé d'aller à un rendez vous en traînant des pieds, il n'avait jamais annulé à la dernière minute. Pourtant, des amantes moins jolies et moins intéressantes que Syndra, il en avait eu plusieurs. Incroyable.

Il avait hésité quelques minutes sur la teneur de son message, entre pique assassine et moquerie cruelle, il avait finalement fait le choix d'une réponse sobre, gardant ce genre de mots doux pour une prochaine fois. Il y avait un temps pour tout et remuer le couteau dans la plaie n'allait pas aider. Rendez-vous au Gates of Lust, une boîte de nuit qui venait d'ouvrir et qui semblait ravir les habitants qui y allaient. Le directeur n'y avait encore jamais mis les pieds, mais c'était bien l'occasion de l'essayer en charmante compagnie. Au moins, il avait bon espoir de changer les idées à son amie et passer une bonne soirée.

Au cas où, le russe avait fait le choix de ne pas se déplacer en voiture pour aller jusqu'à la boîte de nuit. Ils allaient sans doute boire, et au cas où il préférerait ne pas avoir à retourner en ville demain pour récupérer son véhicule. L'air froid sur ces cheveux encore humide lui avait fait presque fait regretter cette décision. En même temps, ce n'était pas souvent qu'il sortait de chez lui juste après avoir pris une douche, mais il avait essayé de faire au plus vite pour être présentable ce soir. Le choix de la tenue avait donc été simple, un trois pièces noir avec quelques touches de doré, un épais manteau dans le même genre qui le gardait au chaud quand bien même il n'était pas frilleux. Ces cheveux ramenés en arrière humidifiaient sa nuque de manière désagréable, mais il se contenta de marmonner pour lui-même jusqu'à l'arrivée dans la boîte de nuit.

Nuit qui était d'ailleurs encore jeune. Il y avait un nombre raisonnable de personnes dans le huis clos qui hurlait le faste, le luxe et la chaleur. L'endroit semblait bien porter son nom quand Nikolaï s'engouffra dedans, lui faisant presque craindre pour son portefeuille. Combien allait-il dépenser ce soir dans un lieu pareil ? Il préférait très certainement ne pas y penser, après tout n’étaient ils pas parti pour oublier le fiasco de Syndra? Le directeur se faufila sans difficulté entre la foule pour atteindre le bar tandis qu’il jouait distraitement avec la boite du collier qu’il avait acheté à sa meilleure amie.

A l’origine il s’était abstenu de lui offrir avant son date, raison de gentlemen qui ne voulait pas en mettre un autre mal à l'aise en affichant un cadeau offert par un autre. Mais aux vu des circonstances, il s’était dit en partant de chez lui que cela remettrait un peu de baume au coeur de la jolie barmaid qui ne méritait pas cela. Avec un peu de chance, elle oublierait cette mésaventure et passerait à autre chose. Lachant finalement la boite quand un barman arriva vers lui, il commanda un cocktail non sans manquer de commandé celui de sa camarade nocturne qui n’allait pas tardé a arrivée.

Et sans doute n'auraient-ils pas pu faire meilleur rendez-vous, car à peine l’homme parti à la réalisation des verres, que la blondinette sur ses escarpins vertigineux arriva à la hauteur du brun balafré. Il ne manqua pas de la détailler des pieds à la tête en l’écoutant parler. Un rictus trouva sa place sur le visage de Nikolai alors qu’il secouait la tête.

— Même si l’idée est tentante de te planter là pour le comique de répétition, non, je n’attends personne et je ne compte ramener personne chez moi ce soir. Tu peux seulement admettre que je suis d’un naturel charmant au demeurant, c’est une excuse qui est recevable et que je veux bien entendre.

Le britanico-russe dans toute sa splendeur, entre l’insupportable humour noir et désagréable et le charmeur de ses dames. Il avait un jour pensé ça de lui, aujourd’hui, défiguré, il n’en pensait plus un traître mots et ses ombres ronronnement timidement pour essayer de le rassurer, en vain.

— Tu veux dire que j’aurais pu te servir de taxi pour arriver jusqu’ici? Diable, je suis bien ravi d’avoir été épargné de cela, j’aurais dû encore t’aider à t’habiller. Je compte rentrer en Uber ce soir, tu n’auras qu'à dormir à la maison ceci étant dit, ça évitera que tu fasses de nouveaux frais.

Alors que le barman arrivait avec les deux consommations et le TPE, Nikolai utilisa sa main libre pour sortir le petit ecrin et le tendre à la jeune femme à côté de lui. Tout en payant, il releva ses yeux noirs vers elle avec un sourire qui cette fois n’avait rien de malicieux, juste sincère et gentil.

— Tiens, je voulais te l’offrir pendant la session shopping mais j’ai oublié, je me suis dis que ça te ferait plaisir de l’avoir ce soir malgré tout. ça ira bien avec ton sac et tes escarpins.

C'était tout ou rien avec Nikolaï. Autant il pouvait donner des envies de violence, autant il pouvait parfois avoir l'air d'être quelqu'un de bien. On pourrait croire que c'était le cas de tout le monde, mais personne ne lui arrivait à la cheville, pas même moi et ma légendaire grande gueule. A peine je m'étais assise sur ce tabouret que ma mésaventure de la soirée semblait déjà s'estomper et disparaitre dans un coin de ma tête. Il avait ce don là, Nikolaï. Enfin, si c'en était un. Je ne pourrais jamais me l'avouer, mais je me réjouissais de commencer cette soirée avec lui plutôt qu'avec qui que ce soit d'autre, quand bien même il n'en aura jamais idée.

En l'écoutant me répondre, un léger rictus s'était dessiné au coin de mes lèvres tandis que je laissais mes sourcils se relever, mes pupilles trahissant presque l'admiration que je pouvais avoir pour lui tandis que je lui cherchais le moindre défaut qui me permettrait de rebondir sur ses paroles. Rien de plus que sa nonchalance habituelle, rien qui ne me permettait de l'ouvrir une nouvelle fois.

« Oh... Bah dis, la soirée vient à peine de commencer. Tu changeras peut-être d'avis avec quelques grammes dans le sang ! » je reprenais, convaincue de ce que je disais. « Hm... Y'a mieux, tout comme y'a pire. Je dois bien avouer que t'es pas vilain. Mais je ne compte pas le répéter, alors retiens le si ça te plait, mais je suis prête à parier que je suis loin d'être la seule à le penser ! »

A ses nouvelles paroles, une forte envie de lui rire au nez me prenait tandis que dans mon esprit repassait l'après midi que nous avions passés ensemble. Il m'aurait été d'une grande aide pour fermer cette satanée robe encore tout à l'heure, mais j'avais réussi sans lui, sans personne et c'était quand même une petite fierté. L'idée aussi qu'il puisse me servir de taxi était pas mal d'ailleurs, car je n'y avais encore jamais pensé. Je faisais alors mine de réfléchir, laissant mon index presser mon menton avec légère exagération, mon regard s'élevant vers le haut muni d'une fausse réflexion.

« C'est si gentiment proposé. Je suis jamais montée dans ta voiture en plus. J'espère que les sièges sont confortables, parce que ceux des taxis sont affreux ! » je lui répondais, reposant ensuite de nouveau mon regard sur lui. « Si je dors chez toi tu vas encore devoir m'aider. Je vais m'étouffer dans mon sommeil avec ça sur le dos. Et t'as pas envie de devoir te créer un alibi juste parce que t'auras eu la flemme de déshabiller ta meilleure amie, si ? »

A peine avais-je terminé ma phrase que le barman était apparu comme une fleur de l'autre côté du bar. Mon attention s'était portée sur lui, prête à passer commande quand il dépose deux verres face à nous. Machinalement, mes prunelles s'accrochaient à la main de Nikolaï qui avait dégainé sa carte bleu pour la plaquer contre le TPE, sans me demander mon avis. J'entrouvrais les lèvres, prête à lui expliquer que je pouvais très bien payer nos verres, mais il avait été plus rapide, me coupant totalement dans mon élan. Dans son autre main, un écrin tendu vers moi, et je ne savais pas vraiment quoi en faire à vrai dire. A mesure qu'il parlait, je comprenait qu'il s'agissait en fait d'un... Cadeau ? Un truc qu'il avait acheté spécialement pour moi ? J'avais du mal à y croire. Peut-être avait-il trouvé quelque chose dans ses tiroirs et voulait-il s'en débarrasser, c'était certainement ça.

Je prenais malgré tout l'écrin entre mes doigts, délicatement sans manquer de lancer un regard incertain au brun. Je ramenais mon autre main par dessus la boite, pinçant les bords entre mes doigts avant de soulever le couvercle. Je découvrais alors, à l'intérieur, un pendentif en argent, neuf, posé sur une mousse noire et une chaine fine. Il était somptueux, habillé de pierres d'une couleur que j'avais l'habitude de porter et qui semblait être la seule que j'osais arborer. C'était difficile pour moi de comprendre un tel geste, aussi banal qu'il puisse être. Ca restait un cadeau, peu importe sa provenance. J'avais relevé les yeux vers Nikolaï pour le regarder de nouveau, un sourire réservé s'étant posé sur mon visage.

« Il est sublime, Niko. » je répliquais, reposant mon regard sur le pendentif. « On dirait de l'améthyste, ou de la sugilite ! » combler pour combler, le malaise était presque palpable. Je n'avais décidément aucune idée de comment il fallait réagir. « T'as été super discret parce que je t'ai pas vu acheter quoi que ce soit ! Merci beaucoup en tout cas. »

Je sortais finalement le collier de l'écrin, posant ensuite la boite sur le bar avant de décrocher la chaine pour l'ouvrir. « Par contre, tu vas encore devoir m'aider. Décidément, j'ai l'impression d'être une assistée avec toi ! »

Je lui tendais le collier pour qu'il le récupère avant de pivoter sur le tabouret pour me mettre dos à lui. Je glissais l'une de mes mains dans mes cheveux pour les ramener par dessus mon épaule, dégageant ma nuque afin qu'il puisse l'y attacher.

Si Syndra était d’une beauté que nul ne pouvait contester et que l’idée de la déshabillée n’était pas déplaisante, le russe doutait sincèrement de ce qu’elle pouvait affirmer à son sujet. Dans son esprit, cela ne pouvait être autre chose que de la politesse pur et dur envers un ami toujours désagréable et seul, car c’était ce qu’il était. Il avait ses semblant de moment sympathique, mais il savait qu’il ne donnait rien au change pour tisser des liens avec qui que ce soit. Syndra faisait exception, pour une raison qui lui était complètement étrangère car il ne comptait plus le nombre de fois où il avait souhaité l’étrangler tant elle était insupportable. Mais maintenant qu’elle s’était hissée au rang auto proclamé de meilleure amie, il était de son devoir de faire en sorte qu’elle aille plus ou moins bien. Pour la forme il roula des yeux à son compliment, feignant l’indifférence comme s’il avait l’habitude d’être choyé sur son physique mais ne fit aucun commentaire car il savait d’avance qu’il allait trahir son mensonge. Il n’y avait que dans les films, les séries ou les livres que les femmes ou les hommes craquaient pour les balafrés. Et Nikolai ne pouvait reconnaitre que la dure réalité de ne pas être le protagoniste d’une quelconque histoire. C’était ainsi.

Il ne put réprimer un petit rire malveillant quand la jeune femme ne manqua pas de mettre en avant qu’il pouvait lui servir de taxis. Tout dans son rire voulait dire “n’y pense même pas”. Non non non, il l’adorait, mais de là à devenir son larbin ? Certainement pas. Il y avait des limites à sa gentillesse déjà pas forcément très grande. La tentation fut cependant trop grande, et il plongea son regard dans celui de la blonde qui lui faisait face pour répondre.

— Si tu n’y es jamais monté c’est sans doute bien pour une raison. Pour t’entendre râler sur la qualité du cuir ou que je vais trop vite pour madame qui risque de se décoiffer, non merci, je ne suis pas assez payer pour le supplément Taxis.

Avec sa nonchalance caractéristique, il haussa un peu les épaules, non s’en prendre son sourire entre la provocation et le rictus.

— ça dépend tu sais, je vis à côté de la foret en soit, faire disparaitre ton corps ne serait pas très compliqué. En plus avec toutes les parties abandonnées de l’ile... il y’a de quoi faire si tu n’es pas assez mignonne ce soir pour que je daigne t’aider à te déshabiller.

Une femme juste derrière Syndra qui avait tendue l’oreille à la conversation ne manqua pas d’offrir un regard indigné et outré au directeur de la cité scolaire. Aussitôt, l’amusement qui se lisait sur les trais du brun, qui prenait un plaisir fou à torturer la blonde en face de lui, disparu pour un regard aussi mauvais que violent. Une chose qu’il détestait par-dessus tout était l’impolitesse, et les oreilles baladeuses en plus du jugement sans la moindre connaissance. Les ombres au niveau du bar ondulèrent très légèrement, abandonnant leurs lignes courbes et délicates pour quelque chose de plus tranchant comme prête a attaqué au moindre signe ou mouvement de Nikolai.

La femme du sentir la menace car elle récupéra son verre et ne manqua pas de disparaitre dans la foule, laissant tout le loisir au britannique de reporter son attention sur Syndra. Cela n’avait duré que quelques secondes mais il avait manqué la réaction de la jeune femme à la découverte du cadeau. Peut être était ce pour le mieux ? Il ne savait pas véritablement comment agir non plus vis-à-vis du cadeau, il avait eu envie de le faire, il l’avait fait, mais cela ne faisait pas parti de son procédé d’offrir quoi que ce soit. Enfin, si on sortait des heures de colles qu’il n’avait aucun scrupule à offrir comme des tickets de tombola.

— Tu as été très longue à sortir de la cabine d’essayage et payer. J’ai eu le temps d’aller dans la boutique à côté pour le prendre. J'ai même eu le temps de me faire la réflexion que ça n'allait pas être entièrement laid sur toi.

Il y avait un léger malaise, il le ressentait, alors autant faire ce qu’il savait faire de mieux, montrer qu’il demeurait il horrible personnage désagréable. Pourtant, quand elle se tourna pour lui offrir sa nuque, il ne protesta pas pour attraper les deux morceaux de la chainette, touché qu’elle veuille le porter maintenant. S’il aurait pu redire quelque chose, il ne fit rien cette fois, car tous dans les gestes de Syndra était d’une beauté certaine dont il ne voulait perdre aucune miette. Elle était gracieuse, et l’argent de la chaine épousait à la perfection la courbure naturelle de ses clavicules, chérissait sa peau laiteuse et délicate. Le bijou n’avait pas d’autre place qu’ici, et cela rassura Nikolai sur le fait qu’il avait bien fait de lui offrir le collier. D’une délicatesse presque insoupçonnée, il attacha ce dernier, faisant glisser le fermoir correctement contre la nuque de la barmaid pour ajuster l’attache avant de s’éloigner pour oublier l’effleurement de son épiderme contre le sien.

— Avoue que tu ne peux pas te passer de moi, répondit il dans le même mouvement, le souffle de sa voix s'arrachant à sa peau au rythme de sa phrase. Ton fidèle et dévoué chevalier servant, ça sera plus simple et plus rapide pour nous deux. Madame la duchesse est parée de ses plus beaux atours pour la fête, pouvons-nous trinquer désormais ? Je meurs de soif.

Alliant parole au geste, il attrapa l’un des deux cocktails colorés qui les attendait sur le bar depuis plusieurs minutes maintenant.

— Surtout, ne me demande pas ce que c’est, ni ce qu’il y’a dedans, j’ai pris la recommandation du barman. Si ça ne te plait pas, c’est sur lui que tu pourras décharger ton venin.

Moi ? Râler pour une voiture ? Pour des sièges en cuire et une limitation de vitesse non respectée ? Pour ma coiffure ? Pour les sièges, il y avait des chances, pour mes cheveux... Aussi. La vitesse ? A voir. Nikolaï semblait bien me connaitre, sans même avoir expérimenté quoi que ce soit qu'il ait pu énumérer à l'instant. Et pourtant, je ne pouvais pas nier que j'était le genre de passagère chiante à souhaits. Je m'étais contentée d'hausser les épaules, puisque je me fichais bien de ce qu'il pouvait imaginer de moi, le cul posé dans le siège passager de sa fameuse caisse.

Ses paroles suivantes auraient fait froid dans le dos de n'importe quelle âme sensible. C'était pourtant ça que j'aimais chez Nikolaï : sa capacité à rebondir sur le pire des sujets sans sourciller ni se demander où étaient les limites. Pour le coup, je l'avais moi même lancé là-dessus, et quelle satisfaction c'était d'avoir en face de soi quelqu'un avec le même sens de l'humour à la fois pathétique et dérangé.

« Tu m'as déjà vue être mignonne ? » je rétorquais, lui lançant un regard examinateur. « Je me demande qui aurait le cran d'enterrer qui en premier, cela dit ! Tu me feras visiter le coin avant d'aller dormir. »

Dos à Nikolaï, perchée sur mon tabouret, les cheveux ramenés sur le côté, je profitais de ce court lapse de temps pour observer la salle qui s'était quelque peu remplie depuis mon arrivée. Mon attention envers ce qui m'entourait était tellement inexistante que je fus presque surprise qu'en quelques minutes la clientèle ait pu doubler en nombre. Cependant, je n'ai pu profiter de ces quelques secondes de répit, puisqu'après avoir crocheté la chaine argentée, le brun prétendait de nouveau de ma vigilance quand son souffle, en harmonie avec ses mots, se heurtait à la peau de ma nuque. J'avais machinalement tourné la tête, pas complètement, pas au point d'avoir le loisir de pouvoir le regarder alors qu'un frisson naissant s'emparait de mes épaules. J'avais finalement pivoté de nouveau sur le tabouret, déposant mes doigts sur le pendentif encore glacé.

« Fidèle et dévoué chevalier servant, rien que ça. » je répétais, le regard tranchant posé sur lui tandis que je faisais passer ma jambe par dessus l'autre, posant l'une de mes mains sur ma cuisse. « Après tout ce que tu as fait, c'est clair que je ne peux presque plus me passer de toi. »

C'était visiblement le moment de s'hydrater, de goûter au nectar coloré que le barman nous avait si gentiment préparé. J'avais posé mon regard sur mon verre, l'observant une microseconde avant de le prendre dans ma main et de le lever de quelques centimètres pour y jeter un œil curieux. Ca ne ressemblait à rien de ce que je faisais, et j'espérais ne pas être déçue par cette recommandation. J'écoutais Nikolaï rejeter la faute sur le pauvre barman si le cocktail n'était pas à mon goût, mais j'étais loin d'être difficile lorsqu'il il s'agissait de boissons alcoolisées.

J'avais fait s'entrechoquer mon verre à celui du brun par pure politesse et surtout parce que j'avais compris que c'était ce qui se faisait dans le coin, et je pintais finalement une bonne moitié du verre, à peine décidée à garder cette élégance que Nikolaï semblait me trouver. J'avais certainement l'air de tout sauf d'une femme gracieuse une fois un verre dans la main, et c'était bien le cadet de mes soucis sur le coup. J'avais reposé le verre sur le bar, prise d'une réflexion quasi intense alors que je tentais de déterminer le goût que ce cocktail pouvait avoir. Rien ne me venait, ça ne me faisait penser à rien que je connaisse, rien que je sois capable de reconnaitre.

« C'est pas mal. A l'image de cet endroit finalement ! » je reprenais, lançant un regard curieux à l'autre bout de la salle, mes doigts jouant autour du verre. « Tu crois qu'il y a d'autres salles ? On pourrait aller jeter un œil dans la soirée, si ça se trouve il y'a des passages secrets ! » j'ajoutais, n'étant même pas certaine qu'il m'ait réellement entendue entre la musique et les discussions environnantes.

La boîte était bien trop singulière pour ne pas avoir ses petits mystères bien à elle. Je n'étais pas curieuse au point de partir à l'aventure sans savoir où j'allais mettre les pieds, mais si cet endroit faisait se ramener autant de monde, c'était bien parce que quelque chose la différenciait des bars de la ville. Le lâcher prise semblait être la signature de la maison. L'atmosphère y était certainement pour beaucoup ceci étant dit. Si j'avais déjà pu voir quelques couples se former et disparaitre dans la pénombre, j'étais loin d'imaginer ce que ce lieu dissimulait.

De toutes les meilleures amies qu’il avait pu choisir, cela ne faisait aucun doute que le fils de l'ombre avait fait le meilleur choix possible quand bien même celui-ci lui avait été presque imposé. Il ne s’en sortait pas trop mal au final, il aurait pu s’attirer la sympathie d’une horrible gourdasse à l’esprit similaire a un trou noir avec un supplément peigne cul. C’était tout le contraire qu’il avait eu avec Syndra, un esprit riche et infini en plus d'un humour aussi noir et sinistre que le sien. Il avait ricaner à sa remarque, la question qu'elle se posait était assez juste pour que ses lèvres viennent s'étirer d'un sourire aussi complice que sournois comme s’il relevait le défi. Il n’en ferait jamais rien, elle était la seule qui arrivait au moins à sa cheville, alors il n’allait pas se priver de sa compagnie, mais pour le jeu et la boutade, ils avaient le même esprit tordue qui lui permettait cette réaction.

— Une balade nocturne probablement éméchée dans les bois ? Mais quelle charmante idée, faisons cela ! Ricana t il en secouant la tête. S’il n’y a que cela pour te faire plaisir, comme te le refuser.

Il aurait pu répondre aussitôt d’un froid et sinistre “en disant non.” Mais il n’en fit rien, ses sens s'étant mis en alerte quand la blonde avait tourné la tête très légèrement vers lui. Ce ne fut que le temps de quelques secondes, pas ce fut bien assez pour que cette proximité puisse le troubler ne serait-ce qu'un petit peu. Ses yeux sombres osèrent se poser sur ses épaules qu'il avait cru voir frémir, mais il s'éloigna très vite de cette pensée pour reprendre son verre entre ses mains trinquer, et avaler une petite gorgée du cocktail un poil trop sucré à son goût.

Il revenait clairement sur sa pensée. Si Syndra était une jolie fille, elle n'était finalement pas si gracieuse que cela. La où le directeur avait toute la retenu d’un homme avec une éducation, la même chose ne pouvait pas être dit de la femme qui l’accompagnait. Mentalement, il haussa les épaules. Ce n'était pas pour cela qu’il avait accepté sa compagnie, si ça faisait partie d’elle, force était de constater que personne ne pouvait être parfait. Nikolai reposa son verre sur le comptoir, dubitatif.

— Je n'aurais pas dit mieux, répondit il en observant son verre. C'est bien trop sucré pour être honnête. Je crois qu’il y’ de la cerise ? Et quelque chose d'épicé mais je n'arrive pas à définir quoi.

C'était cette petite touche qu’il avait trouvé fabuleux en bouche et qui l’avait convaincu de penser que ce n’etait pas affreux malgré le sucre et que c'était plus tôt agréable en bouche. Dans le doute, pour essayer de deviner les ingrédients du cocktail, il reprit une petite gorgée tout en écoutant Syndra d’une oreille attentive. Il se détacha du bar pour se retourner et observer les lieux.

Sur de la musique chaude et sulfureuse aux notes de guitare électrique, les corps ondulaient dans une vague humaine qui brillait d’une joie sauvage et primitive. Ça et là, des couples s’embrassaient en se nourrissant du souffle de leur partenaire mais rien de plus normal pour une boîte de nuit, supposait le directeur en tapotant son verre d'un doigt. Il continua d’observer la décoration, les moulures dorés qui rebondissaient sur des murs noir et se confondait dans ses épais rideaux en velours pareil a ceux d’une pièce de théâtre.

— Je pense que cet endroit doit receler de secrets en tout genre dont le propriétaire des lieux se délecte de la découverte de chacun. Tout est mis en œuvre comme une pièce de théâtre afin de nous pousser au vice de la curiosité.

Une lueur brilla au creux du regard du fils de l'ombre qui se pencha à l’oreille de son amie pour ne pas que ses paroles disparaissent dans les notes électriques de la musique.

— C’est avec une dévotion certaine et d’une galanterie sans nom que j’accepte d'être ton cavalier dans cette aventure nocturne au cœur des Portes de la Luxure.

Il jouait à un jeu dangereux, il le savait, c’était peut être une très mauvaise idée de faire cela. Mais c'était cruellement tentant, juste par curiosité encore une fois et voir où cela pouvait les conduire. Il n'avait rien à perdre, pas vrai ? Syndra avait une soirée désastreuse à oublier et lui… une vie pas plus réussie dont il cherchait à s'enfuir le temps d’une nuit au coeur des ombres chaudes et tentatrice d’un club dont il ne connaissait rien. Les ombres du brun ondulaient autour de lui, ronronnant presque de plaisir à cette pensée tandis qu’il se redressait pour finir son verre.

— Tu veux danser ?

Ah, l'idée d'une balade nocturne au cœur des bois me plaisait déjà, avant même que je puisse ne serait-ce que l'imaginer. Ce n'était pas compliqué avec Nikolaï, après tout, car rares étaient les fois où je m'ennuyais avec lui. Pourtant, c'était assez compliqué pour moi de me satisfaire du peu qui se présentait à moi, et dans n'importe quel domaine. C'était comme une vieille habitude, un sentiment constant de pas assez, sans la crainte qu'à un moment ou un autre les limites puissent être dépassées. Un peu comme une vieille habitude, donc, une routine presque, je me contentais volontiers de ce qui lui traversait l'esprit, même si le goût sucré de ce cocktail ne me posait, personnellement, pas autant de problèmes.

« Oh... Monsieur n'est donc pas un fan de sucre, il faut que je note ça quelque part ! » non pas que je comptais faire en sortes de doser ma malveillance, mais je comptais bien la lui manifester un de ces quatre, parce que ça servait à ça aussi, une meilleure amie : un cocktail bien chargé en glucose pour le grand Nikolaï, rien de mieux pour lui rappeler cette merveilleuse soirée. Je regardais finalement de nouveau mon verre à moitié vide, cherchant dans le goût cette pointe de cerise que je n'avais maintenant aucun mal à identifier.

« Ca m'en a tout l'air. Ca se boit tout seul en tout cas. » je n'avais pas l'intention de finir dans un état lamentable ce soir, même si quelques verres ne me feraient pas vraiment de mal.

Mes pupilles allaient et venaient au gré danses fougueuses des couples et autres paires dans la salle. Même si la musique me plaisait, je ne me voyais pas au milieu de tous ces gens, pas seule en tout cas. Si je me pensais seule un instant, la voix de Nikolaï me tira agilement de mes pensées, et pas pour ne rien laisser à réflexion. J'avais tourné la tête vers lui alors qu'il se redressait, l'obscurité semblant se jouer de la situation. J'ai cru rêver en remarquant des ombres prêtes à m'engloutir le temps de ses belles paroles, mais j'eus bien vite matière à m'égarer plutôt qu'à m'interroger sur cette anomalie. J'attrapais mon verre afin d'en boire le reste de son contenu, le reposant ensuite sur le bar avant de me lever de mon tabouret pour faire face à Nikolaï.

« Je ne suis pas certaine d'aimer danser, ni de ce que c'est censé procurer, mais je peux faire un petit effort pour mon cavalier. » après tout, je n'avais qu'à faire comme les autres et me laisser guider par le son de la musique, pas vrai ? Ca paraissait simple, simple comme cette envie soudaine qui me prenait de tourmenter le beau brun. Ce cocktail avait décidément d'astucieuses vertus.

Je me penchais vers lui, mes lèvres se retrouvant près de son oreille tandis que je tendais un bras pour attraper mon sac sur le bar, me servant de sa cuisse comme maintien pour mon autre main.

« Je prends un peu d'avance, si ça ne te dérange pas. » je me redressais enfin, croisant de mes prunelles son regard ébène. Si je sentais que j'aurais bien vite du mal à m'en détacher, l'idée que je puisse m'y noyer sans ne montrer aucune résistance me semblait on ne peut plus naturelle. Finalement, comme forcée par ce besoin de le persécuter, je faisais quelques pas en arrière, disparaissant progressivement dans la foule ardente. Il avait piqué ma curiosité quelques secondes avant. Désormais, j'allais voir si il avait la volonté de m'atteindre maintenant que je m'infiltrais vers le fond de la boîte. Insaisissable, je pensais l'être, déterminée à jouer au chat et à la souris. Je m'approchais précautionneusement des rideaux de velours, curieuse de voir ce qu'ils pouvaient bien cacher. Je laissais enfin mon regard glisser par dessus mon épaule, optimiste désir ; désir volontaire, de voir le visage de Nikolaï apparaître dans la foule.

Cela lui demanda un effort considérable pour ne pas rouler des yeux devant ses propos cherchant clairement à se moquer de lui. La question était ; avait-il véritablement fait cet effort? Non. Absolument pas. Pourquoi se serait-il retenu de rendre hommage à sa réputation, quand la blonde à ses côtés se prélassait sans vergogne dans son image insupportable de pétasse agaçante qui n’était plus à refaire? Avec aisance, la question suivante pouvait être: pourquoi traîner à ses côtés s'il dépeignait un tel portrait de la barmaid du Maraudeur? Car en soit, des dindes oisives insupportables qui avaient essayé de lui tenir la chandelle en lui soutirant des verres… ce n'était pas ce qui manquait à Staten Island et dans les bars de la ville. Des petasses, il y en avait plein et il avait rembarré son lot de blondasse désagréable et intéressante.

C'était donc là que se plaçait la différence entre Syndra et les autres. Une pétasse certe, mais une pétasse qui de une, lui avait collée aux pompes. De deux, même si jamais cela lui viendrait à l'idée de l'avouer, elle était bien plus intriguante que les autres femmes qu'il avait été amené à côtoyer, ne serait- ce qu'en raison de son humour. Il y avait des ombres autour de la blonde qu'il détestait autant qu'il appréciait, un truc qu'il n'avait pas encore réussi à identifier mais qu'il ne pouvait ignorer. Un écho étrange qui aidait à l'amitié étrange qui s'était tissée entre eux. C'était donc la toute la différence qu'il y avait entre Syndra et les autres. Il y avait également autre chose que son orgueil et sa fierté refusait d'admettre, mais il l'appréciait véritablement et apportait un peu d'éclat à sa vie morose.

D’un mouvement de tête, il suivit le voyage de son verre qu'elle termina d'une traite sans en laisser une seule gorgée. Avec une telle descente, il ne voulait clairement pas faire un concours de boisson. Son visage s'éclaira d'un rictus en l'écoutant parler, bien qu'il se figea quand elle se trouva trop proche de lui et pire encore, avec sa main sur sa cuisse. Son geste était tout ce qu'il y avait de plus nonchalant mais le britanique ne s'était pas véritablement préparer mentalement à un contact physique aussi direct que celui ci. D'autant plus qu'il sentait la chaleur de sa main au travers de son pantalon. Il sentait la chaleur de son corps qui iradiait trop proche de lui en compagnie de ses délicieuses effluves de parfum.

Il la détestait.

Il l'a détestait elle et les réactions de son corps qui le trahissait car ce dernier ne se pleignait pas le moins du monde de la proximité avec la blonde. Bon certes, il était très mal placé pour dire quoi que ce soit, mais tout de même. Voir qu'elle répondait aux hostilités le poussa à effleurer le creux de sa taille en répondant à son oreille.

-Ma Dame est bien généreuse ce soir, quel honneur vous me faites, ironisa t'il d'une voix bien trop suave pour ne pas etre coupable du jeu dans lequel ils se lançaient.

Malgré la chaleur du club, le froid sembla s'engouffrer entre eux quand elle s'éloigna. Leurs prunelles s'accrochèrent avec bien trop d'entrain, et il leva son verre dans sa direction alors qu'elle commençait à se faire happer par la vague humaine en mouvement.

-C'est vilain et mal élevé de feindre que je puisse avoir le choix, lui lança le directeur en faisant porté sa voix autant qu'il le pouvait sans que ses mots ne se fassent avaler par la musique.

Du regard, il l'observa disparaître et se mouvoir distinctement entre les corps qui n'étaient rien de plus qu'une masse informe pour l'enfant des ombres. Finir son verre aurait pu lui prendre moins  de temps, mais il préféra se délecter du breuvage bien trop fourbe qu'il était en train de consommer. Tellement de sucre que l'alcool se sentait à peine, c'était trop vicieux pour etre honnete et pourtant Syndra avait descendu cela comme du petit lait. Dans un dernier mouvement, le russe termina son verre et le reposa sur le bar pour libérer l'espace et s'engouffrer à son tour dans un tout autre monde.

Plusieurs fois, il manqua de la perdre dans la marrée humaine. Le ronronnement des guitares enflammait les danseurs qui s'agitaient au grès des flash lumineux qui transperçait l'aura mystérieuse et tamisée du reste de la boite de nuit. Il ignorait si elle essayait volontairement de le faire trimer pour la rattraper, mais il se pretait au jeu bien volontier en se laissant entraîner entre les corps.

Ce ne fut qu'au bout d'une dizaine de minute que les ombres de Nikolai s'enroulèrent autour de celle de Syndra lors qu'il venait de surgir dans son dos. Ils arrivaient presque au bord de la salle, la où des banquettes étaient installées et encadré de pars et d'autres par quelques passages dissimulées par les fameux lourd rideaux en velour.

-Avant que cela te vienne à l'idée de me frapper, ce n'est que moi, alors évite, tenta-t-il de dire à son oreille en se penchant contre cette dernière.

D'un bras, il entoura son ventre lentement pour lui laisser l'opportunité de s'échapper si elle refusait qu'il l'a ramène un peu contre lui. Nikolai demeura penché contre l'oreille de la blonde toutefois, un sourire dans la voix alors que son souffle n'hésitait pas à jouer avec la nuque de la jeune femme.

-Tu es si curieuse que cela de découvrir ce qu'il se trouve derrière ces rideaux? Je pensais que l'on avait toute la nuit devant nous.

Il avait bien pris son temps pour prononcer chaque mot sans essayer de faire taire le leger accent russe qui revenait avec l'alcool. Il ne manqua pas de presque marquer des pauses dans sa phrase en continuant de se mouvoir sur la musique pour ne pas déranger ceux qui se déchaînaient sur la piste de danse.

-Il y'a de la lumière on dirait, bien moins forte qu'ici et davantage de machines à fumée. On dirait presque un brouillard.

Il n'avait effectivement pas le choix, c'était indéniable. Ca me faisait sourire d'ailleurs, de le voir tenter de rejeter la faute sur moi comme ça. C'était lui qui voulait danser à la base, j'anticipais juste un peu, histoire de m'habituer à la foule que je détestais autant que je l'adorais ce soir. Je ne pouvais pas dire que le verre dans lequel j'avais trempé les lèvres n'y était pour rien. Il avait un goût de pas assez, mais un deuxième aurait été fatal.

Je m'éloignais le plus possible de lui. C'était le but, après tout. Enfin, le but, c'était surtout de voir s'il voulait vraiment passer le reste de la soirée avec moi ou si j'allais devoir retourner au bar pour m'y endormir, ronde à souhait jusqu'à la fermeture. J'les voyais faire, ces gens là : j'étais barmaid, j'en voyais passer des pochetrons heureux d'être partout sauf chez eux. Bon, j'en étais pas arrivée à ce point là, mais je devais bien avouer que je commençais à prendre goût à une vie un peu plus hasardeuse. Après tout, c'était ce qui me convenait le mieux, parce qu'au fond de moi, je sentais que j'étais pas faite pour être droite dans mes bottes, que j'avais besoin d'explorer et de m'approprier les choses pour pouvoir avancer. Nikolaï était un bon partenaire pour ça, car jamais il ne me faisait douter, jamais il ne remettait en doute ce que je pouvais dire ou faire : il me connaissait mieux que tout le monde, et il n'avait pas fini d'apprendre à me connaitre.

Il n'était qu'un partenaire, certes, mais j'étais incontestablement attirée par lui, par ce qui se dégageait tout autour de lui. J'aimais jouer avec tout ça, j'avais l'impression qu'à tout moment quelque chose pourrait se réveiller en moi. Mes mains bouillonnaient d'une volonté de destruction que je ne m'expliquais pas, comme si c'était ma destiné : tout détruire... Pour ne rien reconstruire, parce qu'au fond, il n'y avait que comme ça que je voyais le monde.

Dix minutes, ça aurait pu paraitre long si le jeu n'avait pas été lancé. J'ai beau avoir disparu, m'être fondue dans la masse ardente de la piste de danse, je pouvais sentir sa présence tout autour de moi. Une décharge avait parcouru mon dos alors que mes pupilles glissaient vers le sol changeant au gré des lumières. Je ressentais cette même sensation qu'au bar, j'avais l'impression qu'à tout moment l'obscurité pourrait consumer jusqu'au dernier petit fragment de mon âme. Il n'y avait rien de normal là dedans, à tel point que j'en avais presque peur pour mon ombre. Mais je n'avais pas eu le temps de comprendre ce phénomène que derrière moi, la masse silencieuse de Nikolaï était à deux doigts de déclencher mon instinct de survie. Mes pupilles s'étaient couvertes d'un voir nacré teinté de violet, alors que mon visage s'était tourné d'un coup pour que je puisse regarder par dessus mon épaule. Ses mots résonnaient dans mon oreille, et sa voix me rappelait Ô combien je pouvais être faible à côté de lui.

- T'as bien fait de me prévenir, parce que je ne t'aurais pas frappé, j'aurais fait pire. Parce que oui, je l'avais sentie, cette chaleur dans le creux de mes mains. Elle n'était pas restée longtemps, juste assez pour que je sache que des réflexes que je ne me connaissais pas étaient omniprésents. Mes pupilles avaient, elles, bien du mal à retrouver leur couleur noisette, parce que j'avais l'impression qu'il fallait que je reste sur la défensive, comme si un vieil instinct me disait que quelque chose en moi pourrait m'être, à tout moment, dérobé. La main de Nokolaï finissait néanmoins de me rassurer, quand son souffle contre ma nuque, lui, avait tout pour me déstabiliser.

Je fixais du regard ces rideaux de velours que j'avais de plus en plus envie de traverser. Nikolaï jouait sur la contradiction alors que tout, à ce moment là, semblait être fait pour l'on s'y abandonne. J'apercevais la lumière et la fumée dont il parlait, et alors que mes doigts glissaient sur son avant bras, je faisais pivoter mes épaules pour mêler mon regard au sien. Je l'observais quelques secondes, c'était pile le temps qu'il me fallait pour entrer dans son petit jeu lancinant.

- Tu ne serais pas en train d'essayer de sauver les apparences, Nikolaï ? je glissais après m'être tournée pour lui faire face, mes doigts remontant le long de son torse avant de venir se saisir de sa nuque. J'approchais à mon tour mes lèvres de son oreille, déterminée à ne pas céder la première. Tu connais mieux le coin que moi, après tout. La moindre des choses serait que tu me fasses visiter.

Le voile qui dansait sur les prunelles de la jeune femme coupa toute repartie au directeur qui se perdait bien volontiers au coeur de ses volutes irréel. Était ce l'effet des néons de la boîte de nuit qui offrait ce reflet pourpre aux yeux de Syndra ? Il n'était pas certain de vouloir tout mettre sa main dans le feu à cette idée. Non pas qu'il n’était pas convaincu de cette explication qui était la plus simple, seulement qu’il y avait peut être autre chose. Une sensation qui hérissait les poils de sa nuque et embrasait ses sens bien volontiers. Il y avait quelque chose d'autre, un sublime danger qui agitait tous ses sens pour l’inciter à la plus grande précaution avec la femme qu’il tenait contre lui. Toutefois, pourquoi agir avec prudence quand cette étincelle ne lui donnait que davantage envie d’en voir plus.

Il y avait cette chose en elle qui faisait écho en lui, et cette lueur dans son regard… ce n'était pas les néons du club.

— Si tu avais fais moins, tu m’aurais particulièrement déçu et j’aurais remis en question ta place dans ma vie, retoqua-t-il avec un cynisme qui aurait fait fuir n’importe qui.

La place de meilleure amie ne pouvait être occupée que par une personne aussi tordue que lui. Ou du moins, avant que Syndra s’auto-proclame à la tête du poste, personne ne l’avait jamais occupé alors autant dire qu’elle était toute qualifié pour définir les qualités requises. Au delà de ne pas être ennuyeuse, il n’avait pas envie de devoir jouer aux gardes du corps avec une demoiselle en détresse incapable de se défendre. Très peu pour lui et la blonde répondait parfaitement à ce critère d’auto suffisance et d’indépendance. Ceci étant dit, elle était SA meilleure amie. Même s’il était trop fier pour l'avouer et qu’il aimait lui affirmer le contraire ; il était capable du pire pour la protéger et lui venir en aide. Personne d’autre que lui n’avait le droit de la malmener en toute amitié réciproque.

En d'autres termes : une amitié tout ce qu'il y avait de plus sain et absolument pas toxique.

L’air dans la boîte de nuit était chaude, l’air était saturé de rires euphorique, des notes électrique et pop qui se jouaient désormais sur les platines. Si et là, le britannique arrivait à percevoir les paroles latines du chanteur, mais son esprit était ailleurs quand les doigts de Syndra s’aventurerent sur son avant-bras. Elle rentrait dans la danse sur tous les plans de la question pour son plus grand plaisir. Une mince expression de fierté brûla sur son visage alors qu’il ne perdait aucune miette de son visage, de ses angles et de ses yeux noisettes. Et dire qu'un con l’avait planté ce soir-là ? C'était incompréhensible. Elle était un appel à la tentation d’un simple regard, il l'avait toujours pensé, mais ce soir il se laissait à voir un peu plus que ce simple constat.

Et sa main attrapa sa nuque. Et son corps ne manqua pas de la trahir en se contractant délicieusement. Qu'elle soit maudite cette pétasse en robe moulante qu'il avait soigneusement aidé à choisir plus tôt dans la journée. Son souffle contre son oreille fut une torture inattendu pour le russe qui enfonça légèrement ses doigts dans sur la taille de l’américaine.

— Damn, j'étais pourtant certain que ce n'était pas moi qui m'étais déhanché jusqu’ici, serais je devenu une petite blonde insupportable sans le savoir ? Auquel cas, j'ai un sacré déhanché.

Une pique et un compliment, c’était gratuit et offert par la maison alors qu’il ne cachait même pas son sourire dans la voix et contre sa peau. A quoi bon? Il n’en avait pas plus envie que ça et puis maintenant qu'ils étaient tous les deux ouvertement dans le jeu, autant continuer ? Ses mains se positionnèrent à leur place, de part et d’autre de sa taille. Les ombres ronronnaient partout où elles étaient à l’image de la satisfaction du directeur. Quand bien même il ne manqua pas de rouler des yeux en reculant un peu aux dernières paroles de la barmaid.

— Connaître, c'est un bien grand mot. Je connais le minimum, le bar, les canapés, les tables, la piste de danse et les toilettes. Je doute que ce soit la visite la plus intéressante.

D’autant plus qu’il n’était pas super fier de pourquoi il connaissait les toilettes. Mais ce n'était pas le genre de détail qu’il avait envie de partager. Il avait une réputation et une image à entretenir. Dans tous les cas, il releva le nez, le défi et les mauvaises idées incrustées dans chacun des traits de son visage.

— Si tu avoues que tu veux succomber à la tentation, je te suis et je t’offre la deuxième conso.

Un Nikolaï un peu plus frais, avec moins de sucre dans le sang, n'aurait jamais probablement jamais joué à ce genre de chose mais… Il préféra enlever une main de la taille de Syndra pour remettre une mèche derrière son oreille.

— Après… je peux toujours m’aventurer en premier si jamais ça te fait trop peur. Je ne suis que ton humble serviteur ce soir après tout.

Il crevait d'envie d’y aller, de voir aussi ce qu'il se passait là où tout le monde jetait un coup d'œil sans oser franchir les rideaux de velours. Ne serait ce que par curiosité. Il se détacha de Syndra en retirant ses mains de sa personne. Son épiderme lui semblait encore brûlant, mais après un dernier sourire en coin, il lui tourna le dos, prêt à se faufiler au travers des corps pour aller vers les volutes de fumées.

Pas facile d'avoir le dernier mot avec Nikolaï. Après... J'avais pas non plus toujours raison, mais dur d'assumer et de ne pas chercher la petite bête, même là où elle n'était pas. C'était pas non plus simple de le faire tourner en rond, car il avait la tête sur les épaules et ma répartie se trouvait souvent mise à mal avant même qu'il n'ait ouvert la bouche pour me faire fermer la mienne. J'arrivais même pas à être vexée, c'était presque devenu un genre de conversation complètement normale entre nous, une communication que nous seuls pouvions comprendre et je pense pouvoir dire que le jour où les taquineries disparaitront, nous aurons de quoi sincèrement nous inquiéter.

Mais bon, pour l'heure, rien d'inquiétant ; rien, sauf cette tension qui grimpait en flèche entre lui et moi depuis quelques minutes déjà. Il m'avait rejoint, bien. Il m'avait surprise en arrivant sans prévenir derrière moi, ça marche. Sa voix au creux de mon oreille, son souffle contre la peau de mon cou et ses mains baladeuses, ça par contre, c'était fourbe. Je ne savais même pas que ça pourrait être le genre de chose qui nuirait à ma faculté à ne pas perdre pied aussi facilement. L'idée qu'il ne le faisait pas exprès me traversait l'esprit, mais je balayais vite ça de ma tête, c'était trop, beaucoup trop pour être le fruit du hasard.

Je le regardais alors que mes doigts effleuraient avec agilité la peau de sa nuque, les traits de mon visage trahissant un sourire plein de malice que je contenais.

– Pas très intéressant, en effet. Je suis presque déçue, du coup. je reprenais juste après lui, laissant mes ongles glisser sur le haut de sa nuque.

Jamais je ne l'avouerais. Je ne lâcherais pas l'affaire aussi facilement, deuxième conso offerte ou non. S'il pensait que j'allais me plier à ses caprices d'homme presque parfait, il se mettait le doigt dans l'œil. En revanche, il ne me facilitait pas la tâche. Ses petites attentions discrètes n'étaient pas sans conséquences sur moi. Juste avant, ses doigts à ma taille que je sentais s'accrocher, et maintenant sa main près de mon visage qui ramenait mes cheveux derrière mon oreille. Et il s'éloignait de moi, maintenant ? Son petit sourire en coin m'énervait, à croire qu'il savait comment faire pour me contrarier...

Il savait.

Il disparaissait finalement après s'être éloigné, et je me tournais pour l'observer, lui qui se dirigeait vers les rideaux de velours. Je n'avais aucune envie de le planter là, et ça ne m'avait même pas traversé l'esprit. J'étais prête à prendre tous les risques pour y entrer avec lui, quittes à le regretter ensuite. Quoi que. Je m'en foutais pas mal, en réalité. Je savais que cette soirée ne se terminerait pas autour d'un bol de soupe à discuter du bon vieux temps, parce que merde en fait, j'en avais assez de lui tourner autour comme un vautour, il fallait que j'écoute mes envies avant celles des autres.

Je mordais légèrement ma lèvre inférieure comme pour me motiver à le rejoindre avant qu'il ne franchisse les rideaux et que je le perde de vue. Je m'avançais alors, et pas à pas, je m'approchais de lui jusqu'à arriver à sa hauteur.

– Mon humble serviteur me laisserait donc seule derrière lui ? Je lui demandais, même si je savais que ce n’était pas son intention première. Je fais comment si j’ai un besoin urgent de tes services si t’es pas là, avec moi ? Je reprenais, une pointe de malice dans la voix.

J’attrapais son bras afin d’y enrouler le mien, et capricieuse que j’étais, je pressais son bras contre moi, un petit sourire rusé au coin des lèvres.

– Ne va pas croire que j’ai peur de ce qui se cache derrière ces rideaux. Je soufflais finalement, laissant glisser mes doigts jusqu’à son poignet, puis dans le creux de sa main avant de laisser mes ongles effleurer sa paume. Je l’avoue, en fait… J’ai envie de savoir pourquoi cet endroit est aussi singulier.

J’avais ma petite idée. L’innocence c’était ni une évidence, ni un don chez moi. J’étais assez renseignée sur le sujet pour savoir dans quoi je m’embarquais. Et puis, c’était pas dur de comprendre vue l’ambiance générale qui régnait dans cette salle immense. Rien ici n’était fait pour que les soirées se terminent dans le calme et dans la sagesse.

La soirée allait mal finir. C'était un état de fait dont les probabilités étaient trop grandes pour que cela ne puisse être autrement. ça se sentait. A partir du moment où ils avaient bu se verre et qu'il s'était amusé à peut etre un peu trop la taquiner, il avait été presque acté que peu importe comment se passerait le reste de la soirée, rien de bon ne pouvait naître de ce qu'ils étaient en train de faire. Lequel des deux avait commencé à chercher l'autre? C'était une question qui n'avait pas de réponse car ça faisait partie du fondement même de leur amitié bancale et décadente qu'ils entretenaient. Il n'y avait pas grand-chose qui allait de base dans leur fonctionnement, alors un peu plus ou un peu moins… l'appel du chaos était trop tentant ce soir. Un besoin de lacher prise qui devenait bien plus que cela, une urgence.

C'était mal. Il le savait. Nikolai n'était nullement assez idiot pour savoir que ce jeu de flirt allait les emmener dans un mur qu'ils contruisaient joyeusement à chacune de leur répartie. Le ciment de ce mur était les sourires arrogants que les deux s'échangaient mélangé à leurs égo qui n'auraient même pas du faire d'eux des amis. Pourtant, malgré tout cela, le russe continuait de la détailler en plissant les yeux car elle n'était pas décidée à lui offrir le plaisir de céder à son chantage. Tant mieux d'un sens, il aurait trouvé cela trop ennuyeux si ça avait été aussi simple. Il se contenta d'un petit haussement d'épaule, alors que son visage ne pouvait se séparer de son sourire de canaille.

-Que veux tu, il faut bien un peu d'imperfection pour se fondre dans le commun des mortels, retoqua le directeur en s'efforçant de garder ses yeux sombres plongés dans les siens.

Ses paroles étaient d'une arrogance dégoulinante d'une supériorité mal placée, mais dont Syndra avait déjà été témoin par le passé. N'importe qui aurait été outré par de tels propos, et ce n'était pas avec n'importe qui que le britannique pouvait se permettre ce genre d'humour. Sa peau ne manqua pas de frémir sous le passage des doigts de sa partenaire, une trahison qu'il ne pouvait dissimuler. C'était de bonne guerre au vu de la façon dont il jouait avec la jeune femme, mais ce n'était pas pour autant qu'il appreciait lui donner une arme aussi évidente.

Elle allait en jouer. Elle aurait eu tord de ne pas le faire.

-Oh mais si vous ne voulez pas suivre ce dernier, je suis certain qu'il y'a une foule de bouffon dans la salle pouvant servir à divertir la Reine.

D'un geste de la main alors qu'il s'éloignait, il ne manqua pas de désigner le reste de la salle, probablement habitée par un tas de clébard qu'il exécrait. Le temps d'un instant, il se demanda si ce n'était pas son égo qui le poussait à se considéré aux dessus d'eux au vu de ses agissements. Après tout, elle s'était fait poser un sale plan et il profitait de cet instant pour jouer comme le dernier des connards. Il se dégouta, un vague écho du passé le poussant à juste hausser les épaules.

-Ce n'est pas ce qui manque.

“j'en suis le parfait exemple” aurait il pu ajouter sans le moindre effort tant ses pensées lui hurlait cet état de fait désormais. Toutefois ses pensées demeurèrent les siennes alors qu'il tournait les talons, et les poussa dans un coin pour ne pas ternir son humeur. Il s'occuperait de ses états d'ame et de la conséquences de ses actes plus tard.

Ce fut donc avec une satisfaction renouvelée, que le brun tourna la tete vers sa meilleure amie qui venait d'attraper son bras avec ce sourire qui aurait pu mettre n'importe qui à genoux. Il répondit sans la moindre difficulté à ce dernier, complice du larcin qu'ils allaient commettre en leur ame et conscience. Le Gates of Lust portait ce nom pour une raison qui devait être évidente, et ce fut avec un frisson d'excitation que Nikolai serra la main de Syndra pour pousser les rideaux qui dévoilait une autre partie de la boite de nuit.

La où les néons rebondissaient sur les murs de l'autre côté, la lumière ici était chaude et diffuse, dans des ondulations moins énergiques. La fumée était un peu présente, entourant des canapés chaleureux et des tables ci et la. Ici aussi, des gens dansaient sur des rythmes rock plus sauves et électriques tandis qu'un autre bar se dévoilait.

Ce qui attira en dernier le regard de Nikolai, et qui pourtant aurait sans doute dû lui sauter aux yeux, était la présence de danseurs et danseuses, probablement professionnels, qui performait sur une estrade un peu plus lointaine. Pour sa défense, ces derniers étaient en partie dissimulés derrière des voilages qui ne laissaient filtrer que des silouhette et de la peau luisante sous les lumières.

-Il ne sont pas très vêtu, constata le directeur en se penchant à l'oreille de la blonde à ses côtés.

Chaque mots roulait sur sa langue qui ne pouvait dissimuler son accent, mais il en profita pour déglutir et reprendre un peu de contenance. L'ambiance de cette salle était nettement plus intime que la grande salle. Une touche de luxure dans une tout autre catégorie et il serra la main de Syndra, son pouce traînant lentement sur la peau de cette dernière.

-La suite t'appartient très chère. Je t'ai conduit ici, chacun son tour.

Je pourrais jurer devant le Tout-Puissant de ce satané monde que rien ne me ferait dévier le regard de celui qui m'accompagnait ce soir. Il pouvait dire ce qu'il voulait, il pouvait penser ce qu'il voulait, ces bouffons tout autour de nous, dans cette salle, ils n'avaient rien d'aussi attrayant, d'aussi alléchant que lui. J'avais tout de même pris le temps d'observer les environs, de dévisager quelques uns de ces bouffons, et même quelques unes de ces créatures de la nuit sur la piste de danse, mais aucun.e n'avait attiré mon attention, même pas une seule seconde. Je n'en voulais pas, de ces gens là, ils n'avaient rien de ce que je cherchais à présent : Nikolaï était le mieux placé pour ça, grand bien me fasse.

- Il y a un moment que j'aurais disparu si qui que ce soit d'autre ici avait quelque chose d'intéressant à me suggérer.

Je l'avais rejoint près des rideaux de velours, et je m'étais emparée de sa main, comme pour m'assurer que sa présence était bien réelle. J'étais loin d'être délicate, je n'hésitais même pas à presser son bras contre ma poitrine pour qu'il le sache, pour qu'il devine combien cette proximité m'était utile à cet instant précis. Je ne passerais ces rideaux qu'avec lui, ma curiosité l'incluant forcément. Pendant que mes doigts jouaient avec les siens, le rideau face à nous se décala légèrement après qu'il l'ait poussé de sa main libre, et j'entrais dans cet espace si distinct, si unique et à l'atmosphère impure.

Mon regard avait été inéluctablement attiré par les ombres des silhouettes qui ondulaient à travers la brume, là haut, sur les estrades. Je ne m'attardais que sur les formes voluptueuses des danseuses, quand celles des danseurs ne provoquaient rien de particulier en moi. J'ai toujours été fascinée par le corps des femmes, par mon propre corps même, et c'était un peu pour ça que j'aimais prendre autant soin de moi, car je savais à quel point ces dites formes pouvaient déclencher bien des choses chez les plus curieux.ses d'entre elle.eux. Mes doigts n'en avaient pas terminé avec ceux de Nikolaï, et je m'efforçais de m'y attarder, comme pour deviner ce qu'ils étaient capables de réveiller en moi, mais sa voix, son intonation glissait jusqu'à mon oreille, et ma nuque se para d'un frisson qui fit se crisper mes phalanges entre les siennes.

J'étais restée immobile à côté de lui, mon regard seul suffisant certainement à communiquer pour moi. Mes paupières s'étaient relevées et mes prunelles s'étaient accrochées à celles de mon humble serviteur, et le coin de mes lèvres s'était relevé, légèrement, comme pour lui indiquer que j'avais tout sauf une imagination inexistante. Mes doigt quittaient finalement les siens pour remonter le long de son bras alors que je me logeais face à lui, progressivement.

- Je crois qu'il fait beaucoup trop chaud ici. je reprenais, mes doigts glissant sur le col de son haut que je tirais légèrement vers moi. Mes yeux parcouraient son visage abimé, quand mon autre main, elle, se frayait un chemin tout réfléchi contre son torse, puis sur son ventre plat. Je distinguais sans difficulté la forme de ses abdos à travers le tissu de son haut, et je ne me retenais pas une seule seconde d'y promener le bout de mes doigts.

- Peut-être... Qu'on pourrait se trouver un coin où on serait plus tranquilles... mes doigts contre son ventre harponnaient son haut sans que ce ne soit moins explicite que ça ne l'était. Ce foutu cocktail me faisait presque tourner la tête, quand je perdais peu à peu de cette retenue que je m'étais promise de conserver et de nourrir face à lui. Je le sentais jusque dans mon crâne. Je sentais d'autant plus le sang dans mes veines s'accélérer en même temps que mon cœur augmentait son rythme dans ma poitrine. Nikolaï avait tout intérêt de fuir maintenant avant que je ne réponde plus de rien. Mais s'il restait là, si son corps se joignait au mien, là, maintenant, il devra en assumer les conséquences, aussi débridées pouvaient-elles être.

Mon visage s'approchait du sien, et même si l'envie de lui clouer le bec me prenait, je préférais glisser mes lèvres contre sa joue. Ainsi, je réduisais encore plus cette distance qu'il y avait entre nous, et mes hanches, tout comme le reste de mon corps, se joignaient finalement à lui.

C'était une trés mauvaise idée. Depuis le début s'en était une, depuis le moment où ses pensées avaient commencé à le trahir pour s'interessée un peu plus à Syndra et le fait de pourquoi pas, jouer avec les limites de leur relation. Il aurait été d'une mauvaise foi certaine de tout remettre sur le dos de ce cocktail qu'ils avaient pris en début de soirée. Certes, ce dernier donnait l'excuse d'oser, mais en réalité, Nikolai était encore assez lucide pour savoir ce qu'il était en train de faire, de ce qu'il faisait depuis le début. Il allait le regretter c'était certain, demain, à l'aube, lorsque la soirée serait derrière eux et qu'il ouvrirait les yeux, il allait le regretter. Même si ses yeux se posaient sur Syndra au réveil, tout lui rappellerait qu'il avait volontairement foutu en l'air leur amitié pour juste quelques instants d'égarement en raison d'une attirance réciproque. Enfin de ça, il en était certain pour lui, pour sa meilleure amie il avait du mal à considérer que cela pouvait être autre chose que de la curiosité en raison des cicatrices monstrueuses qui barraient son visage.

Mais qu'elle soit damnée cette blonde qui pressait sa poitrine contre son bras, et qui ensuite brisait définitivement la distance se briser entre eux pour le toucher. Alors qu'il sentait ses doigts jouer sur ses abdos au travers du lin de sa chemise, il ne put contester la chaleur qu'elle venait d'évoquer. Le russe avait l'impression de brûler de l'intérieur et ses muscles se tendirent sous l'exploration de la barmaid. Malgré la main qu'elle avait passée dans sa nuque, Nikolai releva la tête pour l'observer, hésitant pour la première fois sur la démarche à suivre. S'il se sentait encore maître de lui-même, en était-il de même avec sa meilleure amie? Était-ce enfin le moment de mettre un terme à ce petit jeu malsain qu'ils venaient de lancer? Non, c'était hors de question. Reculer maintenant aurait été lui donner raison, et surtout ne pas céder maintenant n'aurait que davantage nourri la frustration de ce qui pouvait être. Il la connaissait assez pour savoir que si leur amitié était encore debout après ça, elle n'aurait probablement eu aucun scrupule à le traiter de dégonflé pendant le restant de ses jours.

La dernière digue de responsabilité sauta avec cette pensée qui ne pouvait supporter un monde où sa fierté et son orgueil était bafoué par la petasse qui lui faisait face. Une pétasse qu'il adorait peut être, même s'il était incapable de l'avouer, pour autant il ne voulait lui accorder aucune victoire, tout comme il se doutait qu'il allait probablement de même à l'inverse pour lui. Un rictus trouva sa place sur son visage alors que ses yeux noirs la dévisageaient toujours.

-Un endroit plus tranquille dans ce qui semble déjà être bien plus tranquille que le reste de la boite de nuit? Et bien, je ne soupçonnais pas sa Majesté être du genre timide ou reservée.

Il la provoquait, encore. C'était trop tentant de murmurer cela au creux de son oreille alors que son corps épousait maintenant le sien délicieusement. En levant les yeux vers le reste de la salle, entre les volutes de fumée, ils n'étaient pas les seuls à dépasser les limites du convenable entre deux amis. Plus jeune, il aurait probablement rougis devant ce qu'il voyait, des amants qui s'éloignaient continuer leurs affaires vers des alcôves qu'il n'avait pas encore remarquées.