Avant Tav, il y a eu Deirdre.

Deirdre aurait pu faire de grandes choses, si les bonnes conditions avaient été réunies (les bonnes conditions étant ; des parents présents, un foyer stable, une enfance équilibrée). Deirdre n’était, finalement, que la digne fille de sa mère ; le problème, c’était qu’elle lui ressemblait trop et, ça, son père ne le supportait pas. Deirdre avait beau faire de son mieux, rien ne trouvait grâce aux yeux de son père ; ce dernier n’avait d’yeux que pour Daphné, la jumelle qui lui ressemblait le plus. Là où Daphné était douce, docile et discrète, Deirdre était abrasive, assurée et assertive. Deirdre était bien trop similaire à cette mère qu’elle n’avait jamais vraiment connue (à cette mère qui a mis les voiles avant le premier anniversaire de ses gamines, qui ne s’est jamais retournée pour se demander ce qu’il adviendrait des bambins), c’était un simple fait (totalement hors de son contrôle) que son père n’avait jamais pu lui pardonner. Alors Deirdre a grandi en étant toujours mise à l’écart, Deirdre a grandi en devant toujours se battre pour obtenir ce que sa sœur avait en existait simplement. Et si de prime abord les deux fillettes s’entendaient à merveilles malgré les différences que l’on érigeait entre elles, Deirdre n’était ni stupide, ni aveugle ; elle voyait bien les préférences plus qu’évidentes de son père pour sa sœur, elle voyait bien que son père ne faisait que la tolérer. La jalousie ne lui plaisait guère, mais c’était vraiment plus fort qu’elle ; Deirdre ne pouvait vraiment qu’être jalouse de sa sœur, de la jolie Daphné qui n’avait qu’à battre des cils pour faire plier leur père. Elle faisait de son mieux pour garder ça pour elle, Deirdre, elle faisait de son mieux pour ne pas laisser la jalousie l’empoisonner, mais malgré tous ses efforts, la gamine n’y parvenait pas. Le pire, dans toute cette histoire, était sans le moindre doute que Deirdre était, tout comme sa mère, une ensorceleuse, chose qui agaçait son géniteur au plus haut point (encore un point pour lui rappeler son ancienne compagne). Deirdre était bien trop comme sa mère et cela on ne pouvait pas le lui pardonner.

Deirdre est restée Deirdre un moment encore.

La fracture arrive lors d’une dispute. Cela fait un moment déjà qu’elle a fait sa paix avec le fait que son père ne sera jamais son père, que Daphné sera l’éternelle favorite et que Deirdre ne sera jamais qu’un détail dans la vie des autres (jamais vraiment importante, jamais celle à qui on pense). Seulement, Daphné ne le comprend pas, Daphné ne comprend pas pourquoi Deirdre veut partir vers Baldur’s Gate, pourquoi sa sœur veut quitter le cocon familial. Et c’est cette incompréhension qui creuse un énorme fossé entre les deux sœurs ; Daphné réclame toujours plus la présence de Deirdre alors que le paternel ne cesse jamais de la rejeter. Deirdre est déchirée, tiraillée. Puis finalement ce sont quelques mots malheureux qui quittent ses lèvres, l’incompréhension de sa sœur qui la heurte. Et Deirdre n’en peut plus. Alors (encore une fois, comme sa mère), Deirdre met les voiles ; elle se pare du manteau de la nuit et file vers Baldur’s Gate. Un abandon dont elle n’est pas vraiment à l’origine, peut-il être vraiment considéré comme tel ? C’est bien son père qui l’a abandonnée en premier, sa sœur qui refuse d’ouvrir les yeux sur ce qu’est ce semblant de famille.  

C’est à Baldur’s Gate que Deirdre devient finalement Tav, que tu deviens enfin celle que tu es aujourd’hui.

Tu te construis une vie qui te convient, laissant tout ce qui t’a hantée aux portes de la cité. C’est dans la ville basse que tu trouves refuge ; tu as la chance de rencontrer un herboriste qui te propose de te prendre sous son aile. Désespérée d’avoir un endroit où te reposer et un travail, tu acceptes sans vraiment réfléchir et c’est très certainement la meilleure décision que tu aies pu prendre. Il t’apprend tout ce qu’il sait, tu l’aides à sa boutique et le vieil homme semble content de t’avoir à ses côtés. Tu es une élève plutôt curieuse, relativement studieuse et curieuse ... Cela couplé au fait que tu possèdes naturellement quelques talents magiques, tu deviens rapidement une grande aide pour les différents clients qui se présentent à la boutique. Et quand le vieil homme décide de prendre sa retraite, il décide de te laisser la boutique. Tu es surprise, mais c’est aussi un sentiment indescriptible qui monte alors en toi. Quelque chose que tu n’as jamais ressenti par le passé, quelque chose qui te réchauffe de l’intérieur. Et tu te vois bien vivre cette petite vie tranquille un long moment, Deirdre Tav. C’est sans compter, cependant, sur des forces dont tu ignores tout ou presque. C’est sans compter sur un culte qui te fait véritablement froid dans le dos.

Du jour au lendemain, on t’arrache à ton petit quotidien.

D’un nautiloïde en feu tu t’extirpes pour tomber la tête la première dans une aventure dont tu te serais bien passée. Un parasite ayant trouvé refuge dans les méandres de ton cerveau, tu pars en quête d’un remède, peu désireuse de transformer en flagelleur mental. Bien malgré toi, tu fais la rencontre de plusieurs individus dans la même situation que toi ; tout, au départ, semble vous séparer, il n’y a que cet ignoble parasite qui grouille derrière votre œil qui semble pouvoir vous rassembler. Et alors que vous commencez à faire route vers ... tu ne sais trop où, vraiment, d’abord vers Emerald Grove (puis vers le camp de gobelins, puis vers l’Underdark et ainsi de suite (un chemin sans fin, vraiment, qui vous mènera jusqu’à Baldur’s Gate)), tu te retrouves à occuper le rôle de leader de ce drôle de petit groupe. C’est vers toi qu’ils et elles se tournent lorsqu’une décision importante doit être prise, tu es celle qui règle tant bien que mal les conflits qui peuvent subvenir au sein du campement. Tu ne sais pas trop comment, ni pourquoi tu t’es retrouvée à ce poste, tu sais juste que tu ne peux que faire de ton mieux pour ne décevoir personne. Tu fais de ton mieux pour apprendre à connaître chacun de tes compagnons d’infortune et, rapidement, tu es heureuse de constater que vos liens se resserrent peu à peu. Oh, il y a bien quelques récalcitrants (notamment Astarion et Shadowheart, que tu sens relativement distants), mais tu trouves quelques belles et douces amitiés (Karlach, Wyll, Halsin (peut-être même Lae’Zel aussi)) et ce que tu penses être plus (auprès de Gale). L’aventure se poursuit tant bien que mal ; c’est vraiment au fur et à mesure que tu en découvres plus sur son parasite et ses origines, sur cet étrange être (qui ressemble bizarrement à ta sœur, ne peux-tu t’empêcher de noter) qui vient te visiter dans tes rêves. Et plus vous vous rapprochez de Baldur’s Gate, plus les choses se compliquent ; en plus des désirs divergents des uns et des autres, il faut aussi que chacun et chacune prenne soin de ses affaires personnelles. Et tu fais vraiment de ton mieux pour aider tout le monde du mieux que tu peux, Tav, il n’empêche que tu cafouilles quelques fois (et tu t’en veux).

Tu fais de ton mieux, Tav, mais il semble que ton mieux ne soit pas suffisant.  

Le culte de l’Absolu est enfin un mauvais souvenir, le parasite dans ton cerveau enfin délogé. Et alors que tu penses avoir trouvé de véritables ami.e.s (oserais-tu appeler votre petit groupe une sorte de famille ?), tu te retrouves seule. Chacun repart de son côté et le départ qui te fait le plus souffrir est sans le moindre doute celui de Gale ; si tu t’es attachée à chacun de tes compagnons, tu croyais avoir trouvé en la présence du magicien un véritable compagnon de vie. Il semblerait (malheureusement (et douloureusement)) que tu te sois trompée ; tu le regardes partir, lèvres pincées et regard larmoyant, mais bien décidée à ne pas le supplier de rester. Tu ne veux pas le contraindre à quoique ce soit, surtout si son ambition est bien plus forte que la moindre affection qu’il a pu avoir pour toi. Un goût amer en bouche, le cœur éclaté dans ta poitrine, tu retournes à ton petit chez toi, au-dessus de la boutique du vieil homme. Tu reprends ce quotidien auquel tu as été arrachée, l’âme en peine et plus seule que jamais.

Cela fait un certain que tu es à Staten Island, à présent. Deux années se sont écoulées depuis ton arrivée, aussi abrupte qu’inexpliquée, dans cette étrange ville (si différente de Baldur’s Gate et ses environs (si ... atypique comparée à ce que tu as toujours connu à Faerûn)). Deux années qui sont passées, semble-t-il, en un clin d’œil. Tu te souviens comme si c’était hier de tes premiers jours à Staten Island ; tu étais confuse, perdue et beaucoup trop de questions (toujours sans réponses à ce jour) tourbillonnaient dans ton esprit. Il t’a fallu un temps certain avant de pouvoir retomber sur tes jambes ; tu n’es pas étrangère au concept d’inconnu et d’imprévu, en atteste ton aventure à travers Faerûn pour te (vous) défaire de l’influence de l’Elder Brain, mais tout était si nouveau à Staten Island, tout était si ... peu familier. La technologie d’ici t’a laissée perplexe pendant un très long moment, tu dois bien l’avouer, et ce n’est qu’après des heures à réfléchir et contempler les différents objets et accessoires, à les manipuler et les tourner et les retourner dans tous les sens. Puis il t’a fallu trouver un logement, te réinventer pour t’intégrer ici ; de prime abord, tu n’as vu aucun moyen de retourner chez toi, de reprendre possession de ton ancienne vie (et deux ans plus tard, tu n’es pas plus avancée (on peut dire que tu as lâché l’affaire)). Toujours un peu déboussolée, tu as fini par te construire un petit quotidien qui te convenait, tu as fini par bâtir une routine pour te distraire de ton cœur en miettes et de toutes ces interrogations qui refusaient de te quitter. Et peut-être bien que, pendant un temps, tu ne te distrayais pas de la bonne manière, peut-être que tu étais un peu trop fébrile dans ton désir de ne pas penser. Toujours est-il que tu as fait ce que tu as fait, que tu ne regrettes pas vraiment (car tu n’as vraiment rien fait de terrible en soit).  

La vie à Staten Island est foncièrement différente de celle que tu menais à Faerûn, mais ce n’est pas un mal pour toi. Tu avais besoin de changements, tu avais besoin de prendre de la distance par rapport à tout ce qui se passait dans ta vie là-bas. Tu rassembles patiemment les petits bouts de toi qui sont éparpillés ici et là, tu reconstruis ta vie comme tu le peux. Dans un premier temps, tu te sens relativement seule, alors tu prends la décision de t’ouvrir aux autres un peu plus ; tu fais des rencontres, tu noues des liens avec les autres habitants ... et tu te rends compte, au fil du temps, que la situation est aussi étrange pour eux que pour toi. Ils sont nombreux à avoir été arrachés à leurs mondes respectifs, ils sont nombreux à avoir été déracinés ; certains (comme toi) semblent encore se souvenir de leur passé, d’autres semblent totalement dépossédés de leur histoire. Situation plus qu’étrange qui te pousse à réfléchir sur toi-même, sur tes propres souvenirs. Et si tu ne doutes pas une seule seconde de leur validité, tu crois remarquer quelques trous dans la tapisserie que tu as tissé dans ton esprit. Rien de bien important, penses-tu, l’essentiel est là. Néanmoins la chose reste relativement déconcertante, tu dois bien l’avouer. Il te semble apercevoir quelque chose, parfois, dans tes rêves, mais tu ne peux malgré tout pas en être certaine. La chose te contrarie quelque peu, mais tu apprends bien vite qu’il ne sert à rien de lutter pour récupérer ce que tu as pu perdre ; tes efforts restent vains quoiqu’il arrive et tu n’obtiens que le goût amer de la déception. Tu ne peux que vraiment vivre ta vie comme tu l’entends à Staten Island. Quelques semaines après ton arrivée ici, tu es embauchée comme professeure de littérature. Et si au départ tu prends la décision de vivre en colocation, redoutant la solitude, tu te rends vite compte que tu préfères vivre seule. Tu restes là-bas quelques mois malgré tout, essayant de retrouver un équilibre, puis tu parviens à trouver une petite maison rien que pour toi.  



Ta vie, aujourd’hui, n’a pas beaucoup changé ; tu vis toujours dans ta petite maison, tu es toujours professeure ... Et cela te convient relativement bien. Tu trouves une certaine forme de réconfort dans cette routine que tu as bâtie et tu détestes l’imprévu, tu détestes tout ce qui vient perturber celle-ci.

✗ Ton ancien œil de verre, enveloppé dans un enchantement qui ne sert plus à rien ici. Tu es arrivée ici avec et, bien que tu aies troqué ce petit bout de magie pour une simple prothèse depuis quelques temps, tu gardes le petit objet dans ta table de nuit. C'est un vestige de l'aventure que tu as vécu à Faerûn, un souvenir dont tu ne parviens pas à te séparer.

✗ Un ensemble de bagues, enchantées elles aussi. Tu les portes plus par habitude que par véritable nécessité; ce sont des bijoux que tu as mis du temps à accumuler et tu y es très attachée.