Ça faisait des semaines, que dis-je, des mois, durant lesquels Zoro pensait à ce qui arrivait aux habitants de Staten Island. Pendant que certains ne semblaient avoir aucune répercussion sur leur mode de vie, d’autres en revanche subissaient une perte de souvenirs et pire que ça : une perte de leurs atouts. Ce dernier point arrivait actuellement à Roronoa, qui n’arrivait plus du tout à manier des sabres, ni à faire une quelconque prise d’art martial et encore moins à porter des sacs de courses. Il avait perdu sa force et ses capacités depuis qu’il était ici. Si on écoutait les médecins, ils disaient que ça provenait de son mystérieux accident, avant de se retrouver à l’hôpital, dépourvu du moindre talent.

Zoro bouillonnait très fortement depuis. Il avait beau s’entraîner, repousser ses limites, user de ses forces jusqu’à s’épuiser totalement, le constat était toujours le même : il n’y avait aucune amélioration. Si des habitants arrivaient à retrouver leurs compétences, Zoro n'arrivait pas, malgré tout le travail qui prodiguait. Ça le révoltait bien plus qu’il ne saurait le dire. Il vouait une obsession démesurée pour parvenir à reconquérir ses aptitudes. Peut-être qu’il avait loupé un truc ? Une étape ? Il devait faire un rituel ou prier un dieu pour qu’une clémence lui soit accordée ? Non, bon là ok, il partait trop loin dans son imagination. Mais mettez-vous à ça place : rien n'était absurde pour retrouver ses facultés. Après tout, sa force, son habileté aux combats, faisaient de lui Roronoa Zoro. Sans tout ça, il n’était plus rien. Plus bon à rien.

Avec des questions existentielles qui pourrissaient très clairement ses nuits, Zoro décidait de revoir une vieille connaissance dans cette ville. Cette personne avait créé une association qui venait en aide aux nouveaux venus, pour qu’ils soient moins perdus avec un bon accompagnement et un excellent suivi. Peut-être qu’il avait des informations toutes récentes concernant ce mystère qui prônait sur cette métropole. Alors, après avoir fait son petit rituel matinal, Roronoa quitta son domicile pour se rendre jusqu’aux bureaux de Méropide. Il ignorait si Louis Rivière se trouvait dans les locaux, puisque ce n’était pas sa seule activité. Zoro aurait très bien pu passer un coup de fil avant de faire le trajet mais… Tout ce qui touchait de près et de loin, très loin, la technologie… C’était l’enfer. Pire qu’un combat !

Alors le voici à l’entrée de l’accueil, se présentant auprès de la personne derrière son bureau, en prétextant qu’il devait voir M. Rivière. Déjà, c’était une petite victoire car apparemment Louis se trouvait dans les locaux. Après avoir patienté quelques minutes, le temps qu’on aille se renseigner pour vérifier la disponibilité de l’homme demandé, Zoro fut conduit jusque devant la porte de son bureau, jusqu’à lui laisser le privilège d’entrer dans la pièce. Le pompier n’attendait pas son reste, il pénétra dans la salle.

« Monsieur Rivière. » dit-il d’une politesse insoupçonnée, en posant directement son regard sérieux sur cet homme qui l’accueillait dignement… Enfin presque. Il s’arrêta quelques secondes sur sa lancée, lorsque Louis exprima sa surprise de le voir ici. À vrai dire, Zoro pensait que c’était une petite vanne (je ne parle pas du débit d’eau /out), jusqu’à ce qu’il se rattrape avec élégance. Chose que Roronoa en était dépourvu. « Je passais à tout hasard à côté des bureaux et je me suis dit : pourquoi ne pas aller prendre des nouvelles de ce cher Rivière ? » expliqua t-il dans un premier temps, lui donnant assez de durée pour s’avancer devant le bureau de Louis. « Enfin… Ce n’est pas tout à fait ça. Si je suis ici c’est pour autre chose qui ne cesse de me hanter. » ajouta Zoro en se laissant tomber sur un siège.

Son regard se posa un court instant sur toute la pile de dossiers présente sur un coin du bureau, ne pouvant s’empêcher de penser qu’il fallait être sacrément motivé pour lire tout ça. Zoro était fatigué rien que de voir ces dossiers empilés les uns sur les autres. Brrr.

« Un verre d’eau… » murmura t-il, se rendant à l’évidence qu’ici on était dans un bureau et pas dans un bar. « Ouais j’en veux bien un. » lança t-il sans trop d’entrain.

Il est vrai qu’un bon verre de vin ou une jolie pinte de bière pouvait lui faire du bien. Surtout avec le sujet qu’il comptait mettre à vif, histoire de savoir s’il y avait des avancées ou absolument pas.

« Ça se passe comment avec les nouveaux arrivants ? C’est toujours le même chant marin : certains débarquent avec toute leur faculté, d’autres non ? » questionna t-il, tout en fronçant légèrement les sourcils. Pas évident de connaître LA raison qui décidait qu’un individu perdait des compétences ou sa mémoire, tandis qu’un autre ne perdait rien. Par les tongues de Luffy, ça n’avait aucun sens ! « Il n’y a pas de nouveaux éléments qui expliquent ce qui plane sur les habitants de Staten Island, depuis la création de Méropide ? » demanda t-il d’un air sérieux et agacé à la fois. Zoro voulait comprendre.

Ça faisait presque deux ans que Zoro traînait ses pieds à Staten Island, et rien n’avait véritablement changé pour lui. Si la plupart des habitants regagnaient des souvenirs oubliés, ou bien des facultés improbables, apparemment Zoro passait à travers de cette conspiration divine. Il était ici avec quelques trous de mémoire car pour certaines choses… Il n’arrivait pas à s’en rappeler. Et alors ne parlons pas du fait que sa force physique avait pris un sacré coup, le rendant… « normal ». Inutile à ses yeux. Les combats avec ses sabres, les arts martiaux, la résistance aux blessures, et j’en passe ! Niet, kaput, la machine était cassée. Impossible pour Roronoa de tenir des manches à balai (qui remplacent les épées) entre ses mains de façon correcte. Impossible de réaliser une figure d’un art martial et d’ailleurs, il ne se souvenait pas de « comment il fallait faire ». Et le comble pour lui, il n’avait pas la résistance aux blessures, si bien qu’aujourd’hui, il savait que les portes pouvaient faire horriblement mal, surtout lorsque le petit orteil se cognait dedans. Ça faisait des adversaires redoutables !

Enfin voilà, est-ce qu’il avait une chance de retrouver ses aptitudes ? Surtout que ses entraînements ne servaient strictement à rien, il était toujours nul… Et pour l’aider dans cette question, peut-être que son camarade Louis pouvait l’aider. C’était le mieux placé pour éclairer sa lanterne.

Comme d’habitude, Zoro était toujours bien reçu lorsqu’il rendait visite à Louis Rivière. Certes, ses visites se faisaient rares, mais il n’en restait pas moins un individu avec lequel Zoro appréciait les échanges. Alors même si un verre d’alcool aurait été bien (enfin peut-être pas, car son organisme ne supportait plus aussi bien ce breuvage qu’auparavant), un verre d’eau pour entamer une conversation assez importante, semblait être une bonne idée. C’est ainsi, dans un fauteuil très confortable, que le pompier expliqua la vraie raison de sa venue. Pendant que Louis servait avec précaution les deux verres d’eau, il se lança dans des explications intéressantes mais pas nouvelles… Enfin pour le moment.

« Nous en sommes toujours au point de départ… » dit-il d’une voix perdue.

Toujours pas d’indice qui expliquerait, où même mettrait sur la voie, d’une quelconque explication sur ce qui se passait dans cette ville. Avec toutes les personnes présentes, avec tous les représentants de la justice, avec ceux qui avaient des dons mystérieux, personne, absolument personne n’avait de réponse ? C’en était à rien comprendre. Zoro était qu’un simple pompier, qui côtoyait des individus quotidiennement et qui des fois, semblaient perdus. Hélas lui, ne pouvait pas totalement les aider sur ce point-là, c’était très frustrant et déroutant. Et même personnellement, il avait beaucoup perdu en arrivant ici.

Lorsque Louis Rivière présenta le troisième cas de figure, l’attention de Roronoa se fit particulièrement plus curieuse. Une tout autre identité avec de faux souvenirs implantés dans le cerveau de certains individus. Sa collègue pompière s’était retrouvée dans le même cas, et Zoro avait pu constater le mal que ça lui avait fait, quand elle avait réalisé que sa « vie » n’était qu’un mensonge, qu’une tromperie, qu’un rêve, irréel. Et si… Et si la vie de Zoro était aussi une tromperie ? Que tout ce qu’il pensait être vrai, s’avérait être inexistant ? Que ses souvenirs n’étaient pas les bons ? Ça foutait la frousse, si bien que cette pensée le rendait soudainement pâle. Et si East Blue n’existait pas ? Tout comme ses camarades du Chapeau de Paille ? Ou comme sa maîtrise des sabres ? Ça expliquerait pourquoi il était si nul maintenant… Zoro attrapa le verre d’eau posé sur un trop joli plateau, et en bu quelques gorgées. Non. Non ?

« C… Comment être sûr de ne pas être victime de cette sorcellerie ? » murmura t-il en lançant un regard de détresse à Louis.

Est-ce que Zoro allait tomber dans une paranoïa ? Pourtant, il était vraiment sûr de ses souvenirs et de son identité… Mais on ne pouvait jamais en être véritablement certain, non ? Puis, il faut dire que la révélation de Louis n’arrangeait pas du tout la conscience du pompier. Il est vrai que Monsieur Rivière n’avait aucun souvenir lors de leur toute première rencontre, et c’était d’ailleurs grâce à lui, que Zoro avait commencé à en savoir plus sur cet étrange phénomène qui surplombait la ville. Ainsi, ce bon et Cher Louis, avait retrouvé la mémoire et surtout, son identité. Cette information décrocha un sourire sincère sur le visage de l’épéiste, bien heureux d’entendre une bonne nouvelle et surtout, il était vraiment ravi pour son comparse. Il écoutait les paroles de son interlocuteur avec attention, désireux d’en savoir davantage… Mais aussi partiellement inquiet car ça ne devait pas être facile de tout retrouver et de tirer un trait sur une ancienne identité. Presque une ancienne vie, si on se pose deux minutes sur le sujet.

« Monsieur Neuvillette ?... » répéta Zoro pour que le vrai nom de « Louis » soit bien pris en compte. « Neuvillette… » se redit-il pour que son cerveau le prenne bien en compte. Après ces années à côtoyer Louis avec ce prénom factice, il devait faire en sorte de ne plus l’appeler ainsi. L’habitude devait s’en aller pour laisser place à la vérité. Et finalement, après quelques secondes à réfléchir sur cette nouvelle identité, une question sûrement indiscrète, sortie de sa bouche. « Neuvillette… Ce prénom, ça vient d’où ? » demanda t-il, pensif.

Finissant son verre, Zoro se leva à son tour pour chercher la carafe d’eau. Durant son petit parcours, il ne pouvait s’empêcher de penser à Louis, enfin, Neuvillette. Certes, si Roronoa était ici c’était pour avoir d’éventuelles réponses, mais comme il semblerait que rien n’ait avancé, son attention se posait sur l’homme assis en face de lui…

« Je ne cesse de me demander… Pourquoi j’ai perdu mes capacités, pourquoi je n’arrive pas à les retrouver. J’ai beau m’entraîner du soir au matin et rien ne change. » Commença t-il par expliquer, non sans avoir une pointe d’énervement à travers sa voix. Il paraîtrait qu’il ne suffisait pas de s’entraîner pour les retrouver, que Zoro se déchaînait pour rien et que ça reviendra tout seul… Ouais… Bof. « J’ai perdu mes forces et ça me rend… Inutile. Une partie en moi me manque, mais il ne s’agit que d’une force. En revanche je n'ose imaginer ce que ça fait que de perdre des souvenirs et de les retrouver. » finit-il par dire, tout en servant les deux verres quasiment vides. Il reposa la jolie carafe et retourna s’asseoir. « Comment allez-vous ? » demanda t-il, tout en toisant son interlocuteur du regard.